J’ai le regret de devoir rappeler (...) que le père de notre race a été fait avec de la boue. Il reste un peu de cette boue originelle dans les cœurs d’aujourd’hui. Voilà pourquoi il ne faut pas agiter les hommes avant de s’en servir. Quand on les agite, leur âme se trouble, parce que les impuretés du fond remontent à la surface. Des esprits animaux se mêlent alors à l’esprit humain qui est dans l’individu et celui-ci ne sait plus ce qu’il fait.
Henri Roorda, La boue originelle - 1923
d'après Henri Roorda
Extraits du volume de chroniques Les saisons indisciplinées, édition établie et présentée par Gilles Losseroy, Allia 2013 et des Oeuvres complètes, L'Age d'Homme.
Une pièce de Françoise Klein, assistée par Philippe Poirot à la mise en scène et à la scénographie. En regard croisé avec Gilles Losseroy sur l’œuvre de Henri Roorda.
Avec Françoise Klein et Thierry Mathieu, également en collaboration artistique.
C’est de la boue que naît le masque. Françoise Klein esquisse un nouveau pas sur le plateau et se donne forme dans le pétrissage des mots puisés à la table de la matière d’Henri Roorda ; trublion né au siècle de la raison scientifique galopante et mort à celui de la boucherie universelle triomphante.
Comme un Diogène moderne éclaboussant son auditoire de ses pensées insoumises, l'actrice plasticienne interpelle en esprit frappeur nos certitudes suintantes. L’accompagne dans sa transmutation l’Autre, le Double : Thierry Mathieu, artiste ultime et sculpteur dévoyé qui brouille les pistes et recrée un homme qui a rompu les amarres avec le modèle...
Si personne ne faisait de l'esprit, il n'y aurait dans le monde que de la matière, ce serait répugnant.
Henri Roorda, 1924
Photographies Arnaud Martin © 2018
La boue originelle est la première création théâtrale des Productions de l’Enclume, à l’initiative de Françoise Klein, faisant suite à une longue collaboration avec Gilles Losseroy autour de l’œuvre de Henri Roorda au sein de la compagnie La Mazurka du Sang Noir.
Le premier spectacle de la compagnie La Mazurka remonte à 1991, et Françoise Klein inscrit son nom au générique en 1992 sur le spectacle Le Cœur à gaz (T. Tzara). Suivront deux pièces seule en scène : Cathédrale de la Misère érotique (Kurt Schwitters) en 1994, puis L’Hirondelle vole avec la rapidité du zèbre, lequel, d’ailleurs, vole très rarement (Henri Roorda) en 1996.
Ce texte d’Henri Roorda, et au-delà du texte, son auteur, sont la pierre angulaire d’une complicité artistique qui ne s’est jamais démentie entre Françoise Klein et Gilles Losseroy. L’actrice et plasticienne est présente sur à peu près toutes les créations de La Mazurka, qui produit Nil Novi Sub Sole, de et par F. Klein, avec Thierry Mathieu, en 2007. Avec quelques périodes de répit et non sans quelques métamorphoses, elle n’a cessé de jouer L’Hirondelle depuis sa création.
Quand elle crée, avec un collectif, la manifestation Chaud les marrons en 2008, c’est une pensée de Roorda qu’elle met en exergue de son festival... « Roseau pensant, réseau pensotant ».
Pendant que Françoise Klein poursuit son chemin artistique au sein de la Cie du Zerep, du Collectif Kinorev (...), elle se met en scène dans le cadre de performances et participe à la création du triptyque chorégraphique de la compagnie Ormone / Aurore Gruel, signant la mise en scène de Elle n’est pas coupable mais elle se met à table (2009), Un œil sur la chose (2011) et Encore (2013). Parallèlement à son activité de comédienne et metteur en scène, elle crée des costumes pour le théâtre et le cinéma.
De son côté, Gilles Losseroy, Maître de Conférences à l’Université de Lorraine où il enseigne dans le Département Arts du Spectacle, metteur en scène de la Mazurka du Sang Noir, spécialiste des avant-gardes européennes du début du XXème siècle, poursuit activement ses recherches sur Henri Roorda et livre plusieurs publications sur l’auteur, dont en 2013 les Saisons indisciplinées, recueil de chroniques inédites en volume. Cette édition donne naturellement lieu à une série de lectures-conférences en France et en Suisse, où les deux complices continuent de partager et faire partager cette phrase à la musique singulière qui les abreuve depuis bientôt 20 ans, comme un de ces grands crus que Roorda affectionnait tant et qui aurait mûri avec eux...
La table ainsi dressée, n’y manquaient plus que quelques fins couteaux, fidèles compagnons de route :
Le comédien, danseur, plasticien Thierry Mathieu, co-fondateur des collectifs Kinorev et Oztheaterland, danseur et comédien avec les cies Ormone et Kinorev (...). Il est par ailleurs sculpteur, et vidéaste de Jeff et Yoyo avec Jean-François Denisse-Philippot.
Le plasticien Philippe Poirot, enseignant à l’ESAL (Ecole Supérieure d’Art de Lorraine à Epinal) collabore aux créations du Collectif Kinorev, se met en scène dans des performances , crée des installations et chante à ses heures. Il a réalisé scénographies et décors pour le théâtre et le cinéma, et de nombreuses affiches pour le spectacle vivant.
Production
Les productions de l'Enclume
Co-production
Théâtre de La Manufacture / CDN Nancy-Lorraine,
DRAC Lorraine et Région Lorraine
dans le cadre de l'aide à la création
Avec le soutien de
CCAM Scène Nationale de Vandoeuvre-lès-Nancy,
Compagnie La Mazurka du Sang Noir,
Ateliers les Trois Huit,
Maison Lillebonne Nancy
Remerciements
AAHR-Association des Amis d'Henri Roorda à Lausanne,
Enitherm, Laurence Bridard, Claire Chevalier