Dans la peau de l'Ours / spectacle

Lorsque l’on est dans une caverne, depuis Platon, on ne voit de la réalité que des signes de cette réalité, des projections, des fragments qui nous font imaginer le reste. Ainsi est conçu cet antre de l’ours, ce théâtre des ombres dans lequel résonne cette création, née d’une immersion dans le quartier des longues peines du Centre pénitentiaire de Toul. Les voix du parloir dessinent l’espace sonore des vies suspendues et Françoise Klein (accompagnée sur scène par Philippe Poirot et Thierry Mathieu) accouche d’un spectacle à la rythmique entêtante. "Au trou", dit-on. Un trou-matrice où règnent les figures tutélaires des prisonniers, comme sur les parois de Lascaux où sont inscrits les totems des origines. Dans ce trou bruisse tout un monde, reflet du nôtre, et se joue une mise en abîme vertigineuse de l’idée de liberté. Un chœur antique, des chants d’oiseaux, une danse de l’ours déchaîné... des ténèbres vers la clarté, un mouvement ample qui nous transforme. Dans cette grotte primitive et pourtant hyper moderne, sortir est l’obsession vitale et l’humour une hygiène de vie : « L’ennemi, c’est la tristesse ».

© François Rodinson, Centre Dramatique National Nancy Lorraine - La Manufacture

LE MONOLOGUE INTERIEUR

« Parfois, on se dit qu'on est au fond du trou. Et si c'était vrai ?
Si on se trouvait soudain au fond d'un trou opaque et noir, dans une absolue solitude ? Un trou bien réel mais tout à fait inexistant, un trou comme une grotte originelle, une matrice sans forme, une oubliette ? Comment alors s'orienter, respirer, désirer, comment penser, comment se retrouver ? Et comment, avec pour seul outil cervelle et corps, comment faire pour en sortir ? »

Odile Massé Sortir du trou © L'Atelier contemporain


Photographies Arnaud Martin © 2018

LA SCENOGRAPHIE

7000 ours prélevés à la source du projet constituent la matière première visuelle du spectacle : une grotte composée de sculptures, entre concrétions, ossements en catacombes ou écoulements de cire... Auteur de son propre décor, agitateur ou manipulateur, ce corps tripartite (les 3 comédiens sur scène) apprend à maîtriser sa peur, cherche à soulever cette dalle obscure dans les entrailles de la terre mère. Tour à tour organes ou boyaux, stalactites calcaires, ou océans des naufragés, les tournures que prend la grotte sont autant d’échos au texte qu’éprouve la voix qui nous parle ; ballotés au gré du trou dans lequel nous sommes, jusqu’au rivage du monde... L’image du chœur est présente sous forme de photographies, telles des bannières... (issues du laboratoire photo mené par Claude Philippot).


Photographie Arnaud Martin © 2018


CREATION SONORE

Un chœur de neuf hommes et quinze choristes détenus au centre de détention de Toul a été enregistré dans le cadre de performances sonores, nourries et préparées en amont dans le laboratoire : séances d’écriture, focus groupe sociologique, répétitions de la chorale.
Ces enregistrements ainsi qu’une phonographie topologique constituent la partition sonore du spectacle, réalisés une semaine durant en immersion au centre de détention (juillet 2017) par Marc Pichelin, artiste sonore de la compagnie Ouïe Dire, accompagné de Françoise Klein.

L'ALLEGORIE DE LA CAVERNE

La caverne, l'antre, le nid, le ventre, la mémoire, la salle obscure sont autant d'espaces retirés où se jouent des rituels bricolés, personnalisés, détournés. Ils en dispensent les clefs...
Comédiens et spectateurs sont dans l'en-bas, ils perçoivent tout ouïe les bruits, le paysage et la vie de la pénitence.
Parce que les détenus sont des figures sociales faites de saillances souvent explicites, qu'ils en disent long sur chacun d'entre nous, sur nos errances et notre propre enfermement. Leur condition sociale en dit long sur notre société et peut-être plus encore sur les formes de notre présente humanité.
Le chœur parle, il fait écho à ce qui se dit et se fait dans l'en-bas, interpelle l’acteur(s) dans son monologue intérieur, il résonne...



Photographies Arnaud Martin © 2018



Extraits de Sortir du trou  - Odile Massé – © L’Atelier Contemporain, 2016

Avec les mots de Pierre M. pour le Chœur

Mise en scène Françoise Klein

Scénographie et jeu Françoise Klein, Thierry Mathieu, Philippe Poirot

Phonographie et composition sonore Marc Pichelin

Lumière LBO Olivier Irthum

Photographies Claude Philippot

Collaboration costumes Martine Augsbourger

Chœur et choristes Emmanuel B., Patrick B., Philippe B., Jean-Charles C., Gilles C., Alain D. Laurent D., Roger H., Patrice M., Pierre M., Gilles P., Didier R., Rémy L., JC L., JD R., Didier V., Eric W. Lothaire W.

Chef de chœur Guy Momper, accompagné de Rémy Conreux, Emmanuel Payeur, Pascal Rassemusse

Administration Hildegarde Wagner



Production / Les Productions de l’Enclume

Coproductions / Centre Culturel André Malraux – Scène Nationale de Vandœuvre-lès-Nancy

Centre Dramatique National Nancy Lorraine – La Manufacture

Avec le soutien du service pénitentiaire d'insertion et de probation du centre de détention de Toul et de la direction d'établissement

Soutiens / DRAC Grand Est, Région Grand Est, Conseil Départemental de Meurthe-et- Moselle, Ville de Nancy

Remerciements / CCN Ballet de Lorraine, Maison Lillebonne, La Mazurka du Sang noir, Claire Chevalier


Les productions de l'enclume / 14 rue du cheval blanc / 54000 Nancy / France